Avant de faire le grand saut – Cinq pistes de réflexion pour les organisations souhaitant adopter un mode de gestion horizontal non-hiérarchique

Cet été, dans le cadre du Forum social mondial (FSM) et aux côtés d’Inter Pares et du Réseau Québécois des Groupes Écologistes (RQGE), deux autres organisations communautaires locales qui fonctionnent sur les bases d’une structure non-hiérarchique, le COCo a pris part à l’élaboration d’un atelier intitulé « Mettre nos valeurs en pratique avec une gestion non-hiérarchique ». L’atelier a fait salle comble, avec plus de 50 participant.e.s de tous horizons. Ensemble, nous avons mis en commun nos parcours et motivations en ce qui concerne le désir de se diriger vers un modèle de structure non-hiérarchique, afin de répondre à un éventail de questions provenant du public concernant la gouvernance, les ressources humaines, l’équité salariale et la facilitation de réunions.

Il est possible que cette popularité soit attribuable en partie au contexte du FSM, un forum avec un intérêt admis pour la contestation des structures hiérarchiques et des pratiques néolibérales et patriarcales dévastatrices qui en découlent et qui minent depuis déjà longtemps notre secteur et notre société. En considérant l’application de pratiques non-hiérarchiques dans nos organisations, on ouvre du même coup la porte à un modèle basé sur le processus plutôt que sur la productivité à tout prix, sur l’équité plutôt que sur le maintien des pouvoirs établis.

Nous vous avons fait un compte-rendu en cinq points des faits saillants de nos échanges avec les participant.e.s à l’atelier.

  1. Ne croyez surtout pas qu’un transfert vers une structure horizontale sera la solution à des dynamiques de pouvoir défectueuses ou à des modes de communication internes fautifs (ou encore un bon moyen de sauver de l’argent).Il arrive que certaines organisations communautaires voient dans la possibilité d’une structure non-hiérarchique un remède pouvant rescaper une dynamique d’équipe en déclin ou reprendre les pouvoirs d’un directeur tyrannique. Il s’avère toutefois que, pour se réaliser, le rêve d’une organisation plus transparente doit être accompagné, entre autres, d’une compréhension des problèmes inhérents aux pratiques de communication internes. Il est important de faire face à ces problématiques avant de considérer un transfert vers une structure horizontale, dont l’avènement et la réussite reposent non seulement sur un consensus au sein du personnel et du Conseil d’administration, mais sur une organisation en bonne santé. Si vous ne pouvez pas en dire autant de votre organisation, considérez plutôt d’autres initiatives, telles que la médiation ou la résolution de conflit !
  2. Lors de la prise de décision par consensus, la définition claire des rôles, des politiques et des normes représente une des clés du succès.Les structures non-hiérarchiques remplacent les décisions venant « du haut » par des décisions prises par consensus. Celles-ci requièrent plus de temps, des rencontres plus longues et, règle générale, un investissement approfondi dans le processus en question. En l’absence de normes appropriées en place pour vous guider, celui-ci peut mener à des frustrations considérables. Il est important, par exemple, de s’assurer que les objectifs souhaités pour chaque point à l’agenda y soient clairement indiqués (que ce soit une discussion, une session d’information ou une prise de décision) ; et que ceux-ci soient bien documentés et partagés pour le bénéfice de la mémoire organisationnelle. Aussi peut-il être utile d’assigner des rôles en rotation pour la facilitation, la tenue des procès-verbaux, la gestion du temps et de l’humeur du groupe, surtout afin de permettre la circulation des savoir-faire et des pouvoirs au sein des membres de l’équipe.
  3. Il est crucial d’établir et d’entretenir une culture de confiance où la rétroaction est faite de manière sincère et constructive. Savoir faire face à des questions liées à la performance, à des dynamiques de groupes malsaines ou à des conflits interpersonnels se retrouve aussi au cœur des structures non-hiérarchiques. Quand cette responsabilité n’est plus exclusivement entre les mains du CA ou de la direction, c’est qu’elle devient celle de tout le monde! Quel est votre niveau de confort quand vient le temps de soutenir émotivement un.e collègue vivant un moment difficile au travail ? À quelles genres de réactions font face les personnes qui ne s’acquittent pas de leurs tâches au travail ? Existe-il des répercussions ? Bien qu’un comité des ressources humaines puisse aider à faire avancer des politiques et des procédures, se chargeant de coordonner les plans de travail, de planifier des retraites et d’entreprendre des évaluations ; il revient à tou.te.s et chacun.e d’être en mesure d’avoir des conversations franches et individuelles avec les différent.e.s membres du personnel afin qu’illes puissent ainsi exprimer leurs frustrations ou encore réajuster leurs attentes et ce, avant que le problème ne fasse boule de neige.
  4. La transition vers une structure horizontale bien rodée peut être longue et requiert un engagement réel et continu. Le moment est-il bien choisi ? Le Conseil est-il composé de personnes propices à cette transition ? En avez-vous discuté en profondeur, tant à l’interne qu’à l’externe ? Il va sans dire qu’il est important que le processus soit plaisant, que les succès et les apprentissages soient célébrés tout au long. Il n’existe évidemment pas d’organisation horizontale ou non-hiérarchique parfaite.
  5. Que votre organisation soit hiérarchique ou non, l’importance d’un bon emploi demeure! Il est intéressant de noter que, comme nous le démontre la recherche, outres un salaire décent, il existe nombre d’autres critères qui contribuent au niveau de motivation d’un.e employé.e. Selon Emery et Thorsrud (1969), ces six critères sont :
    1. Un processus décisionnel laissant place à une autonomie optimale ;
    2. La possibilité d’apprentissage continuel – ou de définir ses objectifs et de recevoir de la rétroaction quant à ceux-ci ;
    3. Une variété dans les tâches ;
    4. La présence de soutient et de respect mutuel ;
    5. Du travail porteur de sens : une compréhension de la valeur et de la place du travail dans son ensemble ;
    6. L’espoir d’un futur désirable, ou encore – ne pas se retrouver dans un poste sans avenir ou sans débouchées !

En se basant sur ces critères, comment croyez-vous que chaque employé.e coterait son poste ? Est-ce que des ajustements pourraient être faits, ou faut-il plutôt considérer la restructuration de postes entiers ? Qu’est-ce que votre CA, vos membres ou vos partenaires doivent comprendre à propos de votre CA, vos membres ou vos partenaires afin de mieux soutenir un tel transfert des sites de pouvoir au sein de votre organisation ?

L’atelier a été facilité par Parker Mah et Sabrina McFadden du COCo, Guillaume Charbonneau et Samantha McGavin d’Inter Pares, et Aurélie Girard du RQGE. Cet article a été écrit par Parker et Sabrina; et traduit par Sunny Doyle !