decorative

Femmes et filles autochtones disparues et assassinées: Québec

En juin dernier, nous avions parlé de la publication du rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous avons récemment commencé à lire le rapport complémentaire pour le Québec et, au cours des prochains mois, nous partagerons avec vous certains éléments que nous avons appris.

La violence spécifique à laquelle sont confrontées les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones

Le rapport parle des moyens par lesquels les idées dominantes (blanches et coloniales) sur la violence ne fonctionnent tout simplement pas et causent plus de tort quand elles sont appliquées aux femmes autochtones, aux filles et aux personnes de 2ELGBTQQIA. Le rapport aide à dissiper deux hypothèses sous-jacentes sur la violence à l’égard des femmes:

Mythe #1: Violence à l’égard des femmes = violence domestique

 Le rapport mentionne que:

  « La violence à l’égard des femmes est toujours discutée en termes de violence entre partenaires intimes. Les autres types de violence sont ignorés, notamment la violence familiale, la violence en établissement et la violence policière. Ainsi, la question est étudiée d’un point de vue ethnocentrique, en examinant les types de violence les plus susceptibles d’affecter les femmes non autochtones. »

En réalité, les formes de violence subies par les femmes autochtones sont beaucoup plus variées, complexes et interconnectées.

Mythe #2: Quitter son abuseur = succès 

Un des témoins experts, Brossard, a déclaré que de nombreux services sociaux non autochtones croient que :

  « Une rupture avec un partenaire intime est souvent considérée comme un événement ou un facteur associé au succès… Mais dans les trajectoires de violence familiale et entre partenaires intimes que j’ai vues jusqu’à présent chez les femmes autochtones, cela ne change pas la dynamique de la violence; elles ne font que changer de partenaire [et] il se reproduit par la suite la même chose… »

Si la violence est comprise comme un cas isolé ne pouvant être traité qu’en retirant la personne violente ou en retirant la victime, le cycle est voué à recommencer de nouveau.

Un modèle dominant d’intervention contre la violence qui ne fonctionne pas 

Le rapport identifiait quelques raisons pour lesquelles le modèle dominant d’intervention dont bénéficient les femmes victimes de violence – essentiellement le fait de déménager dans un endroit sécuritaire – ne fonctionnait tout simplement pas pour les femmes autochtones.

Une des raisons concerne la question du logement dans les réserves :

« L’approche consistant à retirer les femmes de leurs foyers n’est pas toujours applicable dans les communautés autochtones, où la pénurie chronique de logements fait qu’il n’y a que peu, voire aucun, autres endroits sécuritaires où les mettre à l’abri. »

Un autre problème est que les centres d’hébergement pour femmes capables de fournir des services appropriés aux femmes autochtones sont gravement sous-financés:

   « Les centres d’amitié autochtones en milieu urbain ne sont pas en mesure de fournir les services qu’ils souhaiteraient, car ils sont financés par le ministère des Services aux Autochtones, mais reçoivent près de 30 % de moins que les autres refuges pour femmes du Québec. »

Les stratégies qui traiteraient les problèmes d’une manière différente – et qui impliqueraient nécessairement des hommes – reçoivent rarement un financement ou un soutien.   Enfin, une grande partie de ce modèle dominant d’intervention repose sur le recours à un soutien confidentiel, impartial et externe : une réalité qui n’est tout simplement pas possible dans de nombreuses communautés autochtones.

 « L’accès à des services à la fois impartiaux et confidentiels reste un obstacle majeur, compte-tenu des relations étroites existant entre les individus de la communauté. Par exemple, il n’est pas rare qu’un travailleur social soit lié à l’auteur des violences ou à la victime. »

Les services existants « obligent ces femmes à choisir entre leur identité de femme et d’autochtone, entre le droit de préserver l’intégrité personnelle, sexuelle et morale de la personne; ou le droit de vivre dans sa culture et sa langue et de les transmettre à la génération suivante ».

Contexte historique de la violence de genre 

Le rapport offre également des exemples historiques de discrimination systémique se reflétant dans les problèmes auxquels les femmes et les filles autochtones sont confrontées aujourd’hui. Par exemple:

  • Une loi adoptée en 1869 (modifiée seulement en 2013) signifiait que les « certificats de possession » de terres ne pouvaient être attribués qu’à des chefs de famille masculins. L’accès des femmes à leur domicile dans les réserves était donc menacé si leur mariage ou leurs autres relations avec les hommes étaient rompus.
  •  Seuls les hommes avaient le droit de voter aux élections du conseil de bande jusqu’en 1951; aujourd’hui encore, le leadership dans les conseils de bande reste principalement masculin.

Entendre son histoire 

Le rapport comprend des résumés de témoignages de femmes ou de leurs familles donnés au Québec. Comprendre les schémas systémiques et les données est important, mais entendre des histoires qui ont été partagées avec nous l’est aussi. Nous avons joint l’une de ces histoires au format PDF: l’histoire de Carleen, une femme mohawk décédée en 1988, et dont l’histoire est racontée par sa sœur.

 Pourquoi le COCo écrit-il à ce sujet? 

Le COCo a tenté de réfléchir à ce que cela signifie pour nous d’être situés sur des terres autochtones et à la manière dont nous pouvons contribuer de manière plus concrète et délibérée aux luttes anti-coloniales au « Québec ».   Les individus comme les organisations ont été à maintes reprises invités à lire et à participer au rapport Vérité et réconciliation et à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Aussi allons-nous contribuer à cette démarche en vous partageant chaque mois dans notre bulletin d’information des éléments que nous avons appris, et faire de notre mieux pour vous offrir des comptes rendus de ces documents soigneusement écrits.

Vous pouvez lire un précédent article de blogue portant sur la Commission Viens ici, ainsi qu’un autre sur la publication initiale de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ici.

Download (PDF, 801KB)