OBNL: Ce que nous savons des jeunes travailleuses et travailleurs
Chaque année, au COCo, nous tenons à célébrer le premier mai, journée internationale des travailleurs et
travailleuses, en discutant ouvertement des conditions de travail dans le secteur à but non lucratif.
N’hésitez-pas à lire nos billets de blog précédents en cliquant ici et ici.
L’an dernier, Imagine Canada publiait un document qui contenait des observations intéressantes au sujet
des jeunes qui œuvrent dans le secteur à but non lucratif, basées sur des entrevues faites auprès d’une
douzaine de jeunes employés et employées du secteur communautaire ontarien. Nous observons plusieurs
parallèles avec l’expérience des jeunes employées et employés à but non lucratif au Québec – sans compter
nos propres expériences. Après tout, l’équipe du COCo est elle-même composée majoritairement de jeunes
de moins de 35 ans.
Les jeunes travailleuses et travailleurs sont-ils si différents?
Nous étions ravies de lire (enfin!) une description des jeunes travailleurs et travailleuses d’aujourd’hui qui
évite de tomber dans le piège de décrire la génération millénaire comme une génération étrange et déroutante – un piège dans lequel de nombreuses organisations, y compris les organismes à but non lucratif, tombent de plus en plus souvent. Cet article (en anglais) de Harvard Business Review déconstruit adroitement cette idée. Dans leurs mots :
« En attribuant les problèmes liés à la motivation et à l’engagement de la main-d’œuvre à des forces générationnelles qui échappent largement à notre contrôle, cette logique fournit aux organisations les arguments pour éviter de s’attaquer à des questions plus difficiles comme la charge de travail, le perfectionnement professionnel, une rémunération financière adéquate et un travail enrichissant. »
Oui aux emplois flexibles, non à l’instabilité
En effet, l’article indique clairement que les jeunes travailleuses et travailleurs apprécient le niveau de
flexibilité, de dynamisme et d’opportunités d’apprentissage qu’offre le secteur à but non lucratif; qu’ils
aiment « porter plusieurs chapeau, » utiliser leur créativité et résoudre des problèmes.
L’article met toutefois en relief la différence importante entre flexibilité and instabilité. Bon nombre des
personnes interrogées n’avaient accès qu’à du travail contractuel à court terme. Au mieux, elles avaient
trouvé des postes de coordination de projet, qui ne leur offrait aucune possibilité de mobilité ascendante ou
de participation à la prise de décision. La plupart arrivaient à peine à joindre les deux bouts, devaient
maintenir plusieurs emplois pour y arriver – et plusieurs faisaient état de problèmes de santé que leur
salaire actuel leur permettait mal de gérer.
Si vous vous intéressez à la façon dont les taux d’instabilité d’emploi chez les jeunes changent au fil des
années – et à la façon dont ils se rattachent à d’autres facteurs, comme le fait d’avoir des enfants, le niveau de scolarité et le genre, Statistics Canada dispose des données de recherche de la dernière décennie. Plus récemment, Canada Without Poverty a rédigé un excellent guide d’introduction à l’instabilité de la main- d’œuvre canadienne, où on peut lire :
« La précarité de l’emploi n’est certainement pas un phénomène nouveau, mais les taux ne s’améliorent pas. Les « millénaires » comptent le plus grand pourcentage de personnes ayant fait des études postsecondaires et ayant de l’expérience, et pourtant elles ne peuvent pas obtenir d’emploi. En tant que génération, ils sont très instruits, diversifiés et adaptables. Cependant, l’investissement important de temps et d’argent qu’ils ont fait dans leur avenir se traduit bien souvent par un travail temporaire ou instable, avec des perspectives de sécurité financière limitées. La tendance des jeunes à occuper des emplois instables démontre un problème structurel plus vaste qui touche tout le Canada. »
Pour les jeunes, mettre le pied dans la porte s’avère de plus en plus difficile
Selon ces travailleurs et travailleuses, les postes de premier échelon sont de plus en plus difficiles à obtenir.
Selon eux, plusieurs de ces postes seraient des postes rémunérés dans les secteurs privés et publiques,
tandis qu’ils sont occupés par des bénévoles dans le secteur sans but lucratif. L’article explique aussi que :
« On est donc peu surpris d’apprendre l’existence, aux dires des participants, d’une nouvelle norme selon laquelle les jeunes à la recherche d’un emploi dans le secteur font du bénévolat dans le but d’acquérir de l’expérience pertinente, de développer leurs compétences et, en fin de compte, d’accroitre leurs chances d’embauche. Pourtant, bien que leurs expériences bénévoles aient démontré que les organismes reconnaissent leur contribution et ne peuvent s’en passer, plusieurs des participants rapportent que pendant leur recherche d’emploi, ils ont eu l’impression que systématiquement, les organismes n’ont pas accordé la même importance à ces expériences bénévoles qu’à des expériences antérieures de travail rémunéré. »
Les personnes interrogées ont également fait état d’un certain nombre d’autres barrières à l’embauche. Ces
rapports coïncident par ailleurs avec l’étude de Statistique Canada citée plus haut. Les employeurs
demanderaient des niveaux d’éducation de plus en plus élevés, même lorsque ce n’est pas une exigence pour
le poste, et s’attendraient à ce que la certification professionnelle soit complétée avant l’embauche, plutôt
que d’offrir la possibilité de suivre une formation professionnelle tout en travaillant. Ils exigeaient
également et ce, de plus en plus, un niveau « d’expérience directe », plutôt que tenir compte des
compétences transférables.
« Compte tenu de la concurrence énorme, certains participants se voient contraints de poursuivre des études supérieures ou des formations supplémentaires même s’ils pensent que ces diplômes ne les rendront pas plus aptes au travail qu’ils souhaitent exercer, pas plus que leurs concurrents. »
Pas un choix : les jeunes forcés de quitter les OBNL
Il semblerait en effet que les jeunes employés et employées du secteur sans but lucratif quittent ou
envisagent de quitter le secteur suite à un flot incessant de mauvaises expériences – une histoire que nous
avons entendue à maintes reprises au COCo, venant de différents types de travailleurs et travailleuses
marginalisées.
Bien qu’il existe une perception répandue selon laquelle les organismes sans but lucratif perdent
inévitablement des employées et employés talentueux au profit des meilleurs avantages sociaux et
possibilités offertes par les secteurs privé et public, les participants ont fermement remis en question cette
perspective. En effet, ils affirmaient qu’ils n’étaient pas tant attirés par de meilleures opportunités ailleurs
que graduellement poussés hors du secteur communautaire par une multitude d’obstacles.
Quelques solutions pour les jeunes œuvrant dans le secteur communautaire
Fait intéressant, l’une des constatations faite par la recherche indique que les jeunes se sentent non
seulement lésés par le manque de soutien dans leur milieu de travail en OBNL (financier et autre), mais
surtout que leurs employeurs n’avaient pas tendance à prendre cette préoccupation très au sérieux.
« (…) Plusieurs participants ont également l’impression que les OSBL pourraient faire mieux pour réclamer de meilleures conditions d’emploi pour leurs employés. Ainsi, ils relatent des situations où les dirigeants d’un organisme ont omis de communiquer avec un bailleur de fonds dans le but de négocier de meilleures conditions pour un poste nouvellement créé ou de chercher à retenir d’excellents employés qui, initialement, avaient été embauchés par le biais de programmes d’emploi financés par le gouvernement. Aux yeux des participants, les dirigeants dans le secteur ont la responsabilité de collaborer et de travailler de manière transparente avec les bailleurs de fonds afin d’encourager des pratiques de financement qui favorisent des conditions d’emploi stables. »
En même temps, bon nombre des problèmes que ces jeunes estiment les avoir forcés à quitter leur emploi
(ou même le secteur) sont également du ressort de l’organisation. En effet, plusieurs des demandes faites
par ces jeunes sont tout simplement de bonnes pratiques à adopter, particulièrement pour le maintien d’une
main-d’œuvre inclusive et diversifiée. Nous vous suggérons fortement de jeter un coup d’œil aux
recommandations décrites dans document en question, mais voici une version abrégée de certaines des
principales recommandations formulées par Imagine Canada
Préciser l’objectif des rôles bénévoles et contractuels
- Fournir une description d’emploi, et révisez-la régulièrement.
- Offrir une orientation et de la formation.
- Favoriser la gestion du rendement et le développement professionnel.
- Faire appel aux bénévoles et employés contractuels de manière transparente et délibérée.
Favoriser des pratiques d’embauches adaptées aux jeunes travailleurs
- Se limiter aux exigences nécessaires à l’exécution des tâches.
- Rédiger des affiches d’emploi limpides et compréhensibles.
- Indiquer l’échelle salariale sur l’affiche d’emploi.
- Créer une procédure pour considérer la candidature de bénévoles pour des emplois au
sein de l’organisation. - Augmenter le nombre de postes d’entrée rémunérés.
Reconnaitre l’importance de l’apprentissage et encourager le développement
- Déterminer les exigences pour chaque poste et aider les employés à les relever.
- Reconnaitre formellement l’évolution d’un poste.
- Encourager et développer le sens du leadeurship.
- Appuyer la planification de carrière.
Adopter de meilleures pratiques et une meilleure planification en matière de rémunération
- Tenir compte du potentiel de croissance.
- Favoriser une approche transparente au sujet des augmentations salariales et promotions.
- Étudier et établir des paramètres en matière de rémunération.
- S’engager à procéder à une révision salariale tous les deux ans.
- Réclamer une meilleure rémunération au nom des employés.