Une grammaire neutre et inclusive

Une grammaire neutre et inclusive: nos apprentissages et expérimentations!

Au COCo, nous travaillons beaucoup sur des questions liées à l’anti-oppression. L’outil « Parcours des femmes racisées dans le milieu communautaire », notre recherche Diversité D’abord menée par Emily Yee Clare sur le racisme systémique dans le secteur des OBNL ainsi que le projet Conflit à  l’oeuvre piloté par Emil Briones sur l’intersectionnalité entre racisme et conflit dans ce même secteur montrent que ce sujet est très important pour nous.

Tout ce travail n’est pas seulement porté vers l’extérieur : nous analysons également avec beaucoup d’attention nos propres pratiques, nos structures et nos façons d’être et de faire. À notre avis, il est essentiel d’incarner le changement que nous désirons voir dans le milieu communautaire. Dans ce contexte, nous portons aussi un regard sur la façon dont nous communiquons avec nos membres, les groupes que nous accompagnons, nos bailleurs de fonds, et nos collègues.

Ces mots qui excluent

Aujourd’hui encore, dans la langue française, le masculin domine à l’oral comme à l’écrit. D’ailleurs, qui n’a pas récemment lu en note de bas de page : l’emploi du masculin pour désigner des personnes n’a d’autres fins que celle d’alléger le texte. Cette justification, quoique très commune, est à notre avis totalement insuffisante. Pour nous, ce qui pèse le plus dans la langue française, ce n’est pas le dédoublement de mots en masculin et en féminins, mais « le sexisme ordinaire d’une langue qui écrase les femmes » et les personnes non binaires.

Ces mots qui incluent

Pour lutter contre cette forme de domination masculine, plusieurs options s’offrent à nous. Il y a par exemple la possibilité de féminiser, en tout en partie, les textes que nous rédigeons. Cette façon de faire a le grand avantage de mettre en doute la présomption de neutralité du masculin et de la langue française en général.

D’un autre côté, cette proposition s’inscrit dans une vision binaire du genre, et continue d’obscurcir la place des personnes agenres, non binaires ou fluides dans le genre. Aussi, c’est dans l’optique d’inclure ces personnes que nous avons commencé à réfléchir à des façons d’utiliser une grammaire moins sexiste et moins binaire. La rédaction de notre rapport de recherche sur les Organisations Apprenantes (le projet LabOA) a été l’occasion de mettre certaines stratégies de rédaction neutre et inclusive à l’essai.

Une grammaire neutre et inclusive ?

Tout d’abord, clarifions que la grammaire neutre ne fait référence à aucun genre en particulier, alors que la grammaire inclusive tente de représenter tous les genres. Prenons, par exemple, le mot « un » :

  • um (neutre) ;
  • un·e (inclusif).

Notons que ces deux grammaires ne sont pas mutuellement exclusives : elles peuvent très bien coexister à l’intérieur d’un même texte, comme nous avons finit par le faire dans notre rapport de recherche LabOA. En fait, ce rapport a fait usage de quatre stratégies d’écriture neutre ou inclusive:

  1. En premier lieu, nous avons privilégié les mots épicènes. Ceux-ci gardent toujours une forme identique, peu importe le genre. Par exemple, au lieu d’écrire « expert ou experte », nous avons choisi « spécialiste ».
  2. Nous avons aussi utilisé des mots-valises, qui naissent de la fusion de deux mots. Par exemple, nous avons préféré « collaborateurices à la recherche » plutôt que « collaborateurs et collaboratrices à la recherche ». De la même façon, « eux-mêmes et elles-mêmes » devient « elleux-mêmes ».
  3. Les néologismes nous ont également été très utiles. Dit simplement, le néologisme est un mot nouveau. Un exemple assez bien connu est, par exemple, « iel » au lieu de « il, elle ».
  4. Enfin, à quelques occasions, nous avons également eu recours à des points médians, comme dans l’exemple suivant : « participant·e·s ».

Quelques leçons et réflexions

  • Notre expérience nous confirme qu’il est beaucoup plus simple de rédiger un texte en employant d’emblée une grammaire neutre et inclusive, que d’essayer d’adapter un texte déjà écrit.
  • Dans une optique d’éducation populaire, nous pensons qu’il est pertinent d’écrire un court paragraphe qui explique au lectorat les stratégies de rédaction neutre et inclusive utilisées dans un texte. Nous avons fait cet exercice dans notre rapport de recherche, et cela a été très bien reçu.
  • Un mot valise comme « elleux-mêmes » représente quand même le masculin et le féminin, et reste donc binaire, tout comme l’emploi du point médian. La grammaire neutre est-elle assez revendicatrice ?

Pour aller plus loin

Notre stratégie d’écriture n’est évidemment pas parfaite : il nous reste des croûtes à manger et beaucoup à apprendre ! Cela dit, cette première expérience de rédaction neutre et inclusive a été, sur un plan personnel et professionnel, vraiment très enrichissante.

Aussi, ce travail et nos apprentissages ne se sont pas faits sans aide. Nous aimerions souligner à ce sujet: